Photo Steve Lorcy
Alors qu’à l’école de musique Jean-Wiener, Leila Chafii étudiait le violoncelle et le piano avec le couple d’enseignants Marie-Christine et Vincent Magnan, voici qu’une autre prof, celle de chant (Mick Wagner), remarque sa voix. « Elle m’a invitée à postuler à la Maîtrise de l’Opéra de Lyon, se souvient la jeune femme. J’ai été retenue et j’ai eu ensuite des horaires aménagés jusqu’au bac. »
Entrant en prépa littéraire, Leila fait ce qu’elle appelle « une micro pause dans le chant ». Et, après la prépa, entre à Sciences Po Paris.
« J’ai passé le concours du Conservatoire de Paris, où j’ai eu une formidable prof de chant, Marie Vasconi. » Leila rejoint l’association de musique de chambre Sciences Polyphonies, dont elle devient présidente — un poste qu’elle a quitté en juillet 2024. Non seulement Sciences Polyphonies donne des opportunités aux artistes mais la structure effectue aussi des levées de fonds pour des causes humanitaires. Ainsi, celle de mai 2022 en faveur des femmes ukrainiennes et afghanes.
Leila est diplômée en juin 2024 d’un double Master : en science politique, à l’issue d’une recherche sur le lien entre l’art lyrique et la démocratie, et en administration publique, spécialité culture. « J’ai décidé d’être consultante et, à côté, chanteuse lyrique. Et j’ai monté Unissons !, ma compagnie. Je voulais croiser les disciplines artistiques pour amener les publics vers tous types d’arts, tels que l’opéra, la danse, le théâtre et le chant. »
Leila s’intéresse à La Servante maîtresse, un opéra baroque de Pergolèse qu’elle définit ainsi : « C’est assez théâtral, avec du chant, un quatuor à cordes auxquels on a ajouté de la danse hip-hop. Nous l’avons joué en janvier et avons reçu de très bonnes critiques. Et les scolaires, qui n’étaient pas habitués à ce type de spectacle, ont adoré. »
La Servante maîtresse a encore été programmée à l’Espace Beaujon (Paris 8e) le 19 juin dernier et sera à l’affiche du festival off d’Avignon, du 24 au 26 juillet au théâtre de l’Observance. Et, en toute humilité, Leila ajoute : « On ne pensait pas monter une pièce qui marche. On est ravis ! »
Soprano colorature
Parallèlement à sa compagnie, Leila chante également seule. Sa voix est classée soprano colorature, c’est-à-dire, d’après la définition donnée par wikipedia, « apte à réaliser des vocalises complexes au sein d’un répertoire richement orné ». « C’est la voix la plus aiguë, indique Leila. Je peux chanter la partition de la Reine de la nuit dans La Flûte enchantée de Mozart ou Lakmé. Pour cela, je dois avoir une hygiène de vie et, comme l’escrime, être rigoureuse. Mon instrument, c’est ma voix ! » Un instrument, donc, qui la mène vers de hautes destinées.
« Je me suis présentée au concours international des Grandes Voix d’Afrique, pour la France et le Maroc, et, en avril dernier, j’ai obtenu le prix spécial de l’Opéra du Rhin. Je vais pouvoir être formée pendant quelques semaines à Strasbourg-Colmar. »
Le 9 juin dernier, à Cagnes-sur-Mer, Leila participait également au Grand Prix de la voix, dans le cadre des Nuits lyriques de l’hippodrome. Elle y a chanté l’Air de la fée du Cendrillon de Massenet.
Son autre métier, celui de consultante, remplit bien ses journées. « On peut faire plein de choses, se réjouit Leila. J’ai fait un stage à GRK, le cabinet de conseil stratégique de Grégoire Kopp. J’ai aussi travaillé avec des décideurs et des journalistes politiques… »
Comme le remarque Leila, « les deux carrières se nourrissent ». Mais si un jour le choix devait se poser, entre les stratégies et le chant ? La réponse n’attend pas : « Je ne veux pas être dépendante des aléas liés au métier d’artiste. Le chant est une passion, pour laquelle j’ai envie de continuer à me faire plaisir et à ne pas accepter n’importe quoi. Avec Unissons !, je ne monte que des projets que j’aime. »
En ce qui concerne le chant, ceux-là ne manquent pas. Avant sa participation à la fête de la musique à Paris, le 21 juin, Leila a participé à « la grande fête de chantier de la future gare de Chelles-Gournay », le 14 juin, pour laquelle elle a a œuvré avec l’artiste Pierre Delavie et retrouvé sa prof de chant Marie Vasconi, à l’occasion de Cassandra. Les 6 et 7 juillet, Leila sera encore au théâtre de l’Orme, à Paris, pour les représentations d ‘Un amour de chant, qu’elle présente comme « un voyage au cœur de l’opéra ».
Une enfant des politiques de la ville
Parmi ses souhaits, Leila aimerait proposer La Servante maîtresse au Théâtre de Vénissieux. « Il faut ouvrir tous les arts au plus grand nombre. L’art lyrique ne peut pas rester que dans les maisons d’opéra. Il existe d’autres manières d’en faire, avec de plus petites formes […] Je suis une enfant des politiques de la ville. J’ai participé au projet Kaléidoscope mené à Vénissieux par l’Opéra de Lyon. Avec la Maîtrise, j’ai fait l’ouverture des Fêtes escales. Et j’ai commencé la musique à l’école du Charréard, avec Michel Patras. Il faisait la chorale avec sa guitare et cela m’a tellement plu que je me suis inscrite à l’école de musique. »
Dernière anecdote à propos de Vénissieux. « Lorsque j’étais en Master en théorie politique, un enseignant, Frédéric Ramel, parlait de musique dans les relations internationales. Il a accepté de me prendre en recherche. Quand il m’a demandé qui j’étais, je lui ai dit que je venais de Vénissieux. Lui était de Maurice-Thorez. Il avait fait les classes CHAM — NDLR : classes à horaires aménagés musicales — à Lyon, en flûte, et il était devenu chercheur à Sciences Po. Ce fut une rencontre exceptionnelle et il m’a accompagnée à fond ! »
Vénissieux réserve toujours des surprises !
Récompenses : la lame et le chant
Photo Eleanor & Étienne
À 25 ans, Leila possède un beau palmarès. Rien qu’en 2022, elle est demi-finaliste au concours international de chant de Béziers, finaliste au Grand Prix de la voix de Cagnes-sur-Mer et troisième prix du concours international des Clés d’or. L’année suivante, elle est encore finaliste au concours des Grandes Voix lyriques d’Afrique, comme en 2024. Année où elle est également demi-finaliste du concours international de chant de Marmande. Et, 2025, elle obtient le prix spécial de l’Opéra du Rhin
Inscrite à Vénissieux Escrime depuis 2007, elle a été diplômée départementale d’arbitrage en 2013, championne de France Minimes par équipe N2 en 2014, médaillée de bronze aux championnats de France cadettes par équipe N2 en 2015.