
Dans le secteur de la formation professionnelle, les financements se tarissent, au grand dam des petites structures locales
Le secteur de la formation professionnelle navigue en eaux troubles. Dépendants des financements publics, les organismes de formation (OF) peinent à répondre à la demande. Les petites structures, souvent très ancrées sur un seul et même territoire, et donc moins mobiles, subissent les aléas de plein fouet. Dans un courrier commun du 18 décembre 2024, le Syndicat national des organismes de formation (Synofdes) et la fédération Les Acteurs de la compétence alertaient François Bayrou, alors Premier ministre, « d’une crise profonde, amplifiée par une conjoncture politique et budgétaire dégradée. » Et pointaient du doigt « les baisses drastiques des budgets régionaux » ou encore « la remise en cause des dispositifs structurants » comme la Validation des acquis de l’expérience (VAE) et les aides aux employeurs d’apprentis.
À Vénissieux, ce contexte a eu raison de l’existence de Savoirs formation réinsertion (Safore). L’association luttait contre l’illettrisme depuis 1991, notamment via ses formations en Français langue étrangère (FLE). Elle employait 12 salariés. Elle n’a pas pu échapper à la liquidation, le 8 juillet 2025. « On avait perdu de gros marchés publics, déplore Marie Carles, son ancienne directrice. C’est un seul et même consortium, présent dans toute la région, qui nous a devancés. C’est la loi du marché. Mais contrairement à Safore qui était garante du présentiel, ces organismes n’ont pas d’implantation locale. »

Safore a fermé ses portes cette année
Selon l’ex-dirigeante, l’ensemble des crédits des financeurs a considérablement baissé ces dernières années. Par ailleurs, les nouvelles modalités dans le lancement des appels d’offres auraient contribué au déclin de l’association : « La centralisation des appels d’offres par France Travail ne nous a pas été favorable. Avant, les marchés étaient plus ouverts. Il y avait de la place pour tout le monde. » À ce jour, une seule salariée de l’association a pu retrouver un emploi, dans le cadre d’une reconversion professionnelle.
« Ubérisation du secteur »
S’il n’a pas mis la clé sous la porte, le Centre régional des techniques avancées (Certa) a dû tailler dans le vif. Cet OF, fondé il y a 42 ans par des militants syndicalistes et des universitaires, est passé de 40 salariés en 2023 à 14 fin 2024. « Nous n’avons pas renouvelé nos CDD et lancé un plan de licenciement économique, regrette Samia Hachemi, la directrice. Notre chiffre d’affaires a été divisé par trois en trois ans. La réforme de la formation professionnelle a changé la donne. On parle d’ubérisation du secteur. Des centres clé en main répondent aux appels d’offres, s’installent quelques mois et s’en vont. Les financeurs n’ont pas intégré cette dimension. Nous sommes mis en concurrence avec de grosses structures qui fonctionnent sur un tout autre modèle. » Pour survivre, le Certa mise désormais sur l’apprentissage et se rapproche directement des entreprises. « Nous avons un atout, c’est notre plateau technique, poursuit Samia Hachemi. Malheureusement, l’industrie française est en berne. Les carnets de commandes sont vides : l’instabilité politique n’arrange rien. »
C’est ce manque de visibilité qui inquiète Catherine Bui Van (Alizés Formation). Comme ses confrères, la directrice de cet OF qui emploie neuf salariés se dit touchée par une baisse globale de subventions et des marchés publics. Et aurait aimé mieux se projeter sur l’année 2026 : « On va répondre aux appels d’offres sans savoir ce qui sera retenu. Car les financeurs n’ont pas de certitudes. Le budget de l’État n’est pas voté et les élections municipales et métropolitaines approchent. On est dans le flou le plus total. »
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