Si l’on devait attribuer une couleur aux mains de Mehdi Terry, Vénissian de 38 ans qui habite au Centre, ce serait assurément le vert. Car non seulement Mehdi a la main verte en matière de jardins, dont il s’occupe à l’ENS (École normale supérieure de Lyon) depuis 2014, mais il l’a aussi dans la pratique de l’oud, instrument à cordes des musiques orientales. Et, comme pour mieux faire le lien entre ses deux passions, la musique et l’horticulture, il a créé il y a deux ans un groupe de musiques arabes et persanes, baptisé Calames. Le calame étant un roseau dont se servaient les musulmans pour la calligraphie. Mehdi précise : « Nous n’abordons pas le répertoire classique mais créons nos propres compositions, plutôt contemplatives. À partir de matériaux traditionnels, nous construisons une musique qui nous est propre. »
Dans le groupe, le kamantche (« un violon iranien qui se joue droit, avec une caisse ronde et une table en peau, que l’on trouve dans toute la Perse ») est tenu par Sarvenaz Khodayari . « Elle est Iranienne, ajoute Mehdi, et a appris là-bas le radif , le répertoire classique. » Le riq (tambourin) est joué par le multi-instrumentiste franco-libanais Mahdi Hachem. Et la franco-italienne Rosa Rubino, habituée aux musiques en provenance des Balkans et de Bulgarie, au jazz et au classique, s’occupe de la contrebasse. « Nos instruments sont complètement acoustiques, principalement faits de bois. Nous subissons forcément des influences modernes. »
Après un concert, début octobre, dans un jardin de l’association Graines de Bio-Divers-Cité — ouvert principalement aux adhérents de l’association —, Calames aimerait enregistrer un album cette année. En parallèle, Mehdi prépare le projet Talata avec Stéphane Lambert (enseignant à l’école de musique Jean-Wiener).
« Stéphane, au sax ténor et soprano, en a eu l’idée. Massoud Raonaq est aux tablas et moi à l’oud. C’est un métissage entre les percussions indo-afghanes, le saxo jazz et l’oud arabe. »
Enfant du Charréard, Mehdi a commencé la musique à l’âge de 15 ans, au lycée. Pendant une quinzaine d’années, il s’est consacré à la guitare. « J’ai appris par moi-même, tout en étant entouré de musiciens, mais sans cadre académique. Autodidacte, j’ai très vite été passionné par le reggae et le jazz sous ses formes manouche et américaine. Un peu plus tard, après avoir passé trois ans en service civique au centre associatif Boris-Vian, je suis entré au conservatoire d’Avignon, en cursus jazz. »
Plongée dans un univers musical
Revenu à Vénissieux, Mehdi développe plusieurs projets musicaux, dont le groupe Amayé. « Nous faisions du maloya électrique, et nous sommes passés aux Fêtes escales en 2015. »
Puis il découvre l’oud, « cet instrument bizarre qui a onze cordes, cinq doublées et la plus grave qui ne l’est pas ». « Il devait y en avoir un à la maison de mes grands-parents. Quand je l’ai écouté, plus tard, il m’a marqué. Je me suis dit que je voulais en jouer. J’ai mis plusieurs années avant d’y parvenir. On utilise un plectre et non un médiator comme la guitare. Dans les temps anciens, il était en plume mais, maintenant, en corde ou en plastique. Et j’ai plongé dans cet univers musical… et dans toute la musique arabe. »
Discret, Mehdi précisera plus tard que, s’il a commencé ses études musicales en guitare au conservatoire d’Avignon, il les achèvera en oud à celui de Nice. Et qu’il a été l’élève du grand Khaled Ben Yahia. « Il m’a formé avec beaucoup de richesse et de générosité. »
Mehdi s’attaque alors au répertoire classique et ottoman. « L’oud a pris toute la place. Ma guitare dort aujourd’hui dans son étui. » Et il est parvenu à une telle maîtrise qu’il enseigne la pratique de cet instrument à l’Institut des musiques persanes de Villeurbanne. C’est d’ailleurs là qu’il a rencontré Sarvenaz Khodayari, qui y donne des cours de kamantché.
Côté jardin
Si, sur scène, Mehdi et Calames s’installent entre les côtés cour et jardin, le jeune Vénissian s’est également intéressé en parallèle aux vrais jardins, au point de suivre une formation.
« Je me suis passionné pour les travaux de paysagistes français, entre autres ceux de Gilles Clément. J’ai appris que ce dernier avait créé celui de l’École normale supérieure de Lyon. J’ai pris contact avec eux pour le visiter et… je suis entré d’abord comme jardinier puis chef jardinier. C’est un métier en mutation. Cela fait maintenant une dizaine d’années que l’on modifie les modes de gestion des parcs, en optant davantage pour le laisser-faire. Les herbes peuvent ainsi pousser naturellement. La gestion est plus écologique et préconise l’accueil de la biodiversité. »
Quelques dates :
11 octobre : Calames au Monteillet Café (Vanosc)
22 novembre : Mehdi Terry à La Note bleue (Chonas-L’Amballan)
14 décembre : Calames à Chambéry
31 janvier : Talata aux Musicianes (Vénissieux).