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Vénissieux, noms de lieux

Les lieux ont tous un nom. Un nom qui, comme le vôtre, comme le mien, remonte à moult générations, parfois même à l’époque romaine.

Le tout premier plan cadastral de Vénissieux, réalisé en 1831 par le géomètre Bertet. Photo archives du Rhône.

Effectuons un saut dans le temps, de presque deux cents ans en arrière. Fin 1830 ou début 1831, Monsieur Bertet, « géomètre de 1ère classe », est missionné par « Mr. le comte du Pérou, directeur des contributions », et par « Mr. Yvon, géomètre en chef », pour dresser le tout premier plan cadastral de Vénissieux. Pendant des mois, Bertet visite la moindre parcelle de la commune, avec une chaîne d’arpenteur en guise de décamètre, afin d’en prendre les mesures et d’en dessiner le plan. Enfin, le 19 juin 1831, il achève sa grande œuvre, et remet entre les mains de ses supérieurs et aussi du maire de notre ville, Antoine Barioz-Busquet, rien moins que 12 plans, chacun aussi grands qu’une table de café. Des parcelles par centaines, des maisons à foison, des rues et des chemins tissant une vraie toile d’araignée : tout y est.

Mais, et c’est ce qui nous intéresse ici, Monsieur Bertet a aussi pris soin d’indiquer sur ses plans, les toponymes vénissians. Et pas qu’un peu, puisqu’il n’en écrit pas moins de 41 à l’aide de sa belle plume d’oie. Ce sont, du nord au sud et avec l’orthographe de l’époque, le hameau du Moulin à Vent, Grange-Rouge, Les Velins, Les Closes, Les Puisoz, La Femme Morte, Petit Parilly, Grand Parilly, Le Thioley, Vert-Carle, La Rivoire, le hameau de la Bourelle, le hameau de la Roche, le hameau de Moirieu, Malaize, La Rivoire, le village de Vénissieu, Quatre Croix, Charréard, La Grande Charrière, Monery, La Perrière, Colonge, le chemin de Charbonnière, Laquay, La Grande Neve, Glunière, le hameau de La Garaine, Les Rattes, Les Minguettes, Le Clusel, La Corsière, Montchaud, Grand Chassagnon, Le Bodey, le hameau de La Corsière, La Darnaise, Le Couloud, Les Forèdes, Grandes Terres des Vignes et, enfin, Nève.

Les Minguettes, du nom d’un bourgeois lyonnais

Bien sûr, vous en aurez reconnu beaucoup, puisque nombre de ces toponymes désignent encore des quartiers ou des rues. Pour certains, leur sens coule de source. Ainsi, le hameau du Moulin-à-Vent doit-il son nom à une grande tour ailée, qui était implantée depuis au moins le début du 18e siècle près de l’actuelle rue Henri-Barbusse, à la frontière de Lyon et de Vénissieux. Ce moulin cessa de moudre les grains en 1748, après qu’un ouragan eut arraché ses ailes. Très clair aussi, est le chemin du Charbonnier. Situé aujourd’hui le long de la voie-ferrée de Grenoble, et déjà attesté en 1605, son nom rappelle que se dressaient à cet endroit d’énormes tas de buches de bois, que des artisans spécialisés, les charbonniers, faisaient cuire pendant une à deux semaines pour les transformer en charbon de bois, utilisé notamment par les industries métallurgiques. Ou alors, ce chemin du Charbonnier doit son nom à une vieille famille de Saint-Priest, les Charbonnier, qui possédaient peut-être des parcelles dans ce secteur. Car il n’était pas rare qu’un propriétaire donne son patronyme à un lieu. La preuve en est avec Les Minguettes. Elles doivent tout à un bourgeois lyonnais vivant sous le règne de Louis XIV, qui acheta en 1663 un beau domaine sur le plateau. Puis il accumula les terres pendant plus de vingt ans, au point d’en posséder 14 hectares en 1683. Dès lors, les Vénissians désignèrent cet espace du nom de ce riche personnage : les biens au soleil de Gallien Minguet devinrent Les Minguettes.

Ailleurs, ce sont les activités agricoles ou artisanales qui justifient l’appellation du lieu. Ainsi, sur la Grande Terre des Vignes, non loin des Minguettes, poussait le raisin qui donnait un vin autrefois fameux, le rouge de Vénissieux. Entre le Moulin-à-Vent et le périphérique Laurent-Bonnevay, l’on élevait plutôt des veaux destinés aux bouchers lyonnais : l’endroit prit donc le nom des Velins, qui désigna aussi toute la plaine de l’Est Lyonnais, depuis Saint-Laurent-de-Mure jusqu’à La Guillotière. Au sud du Charréard, c’est une carrière que l’on trouvait, où l’on ramassait les cailloux pour empierrer les chemins – c’est-à-dire, dans la langue franco-provençale autrefois parlée à Vénissieux, une « perrière », d’où le lieu-dit de 1831 et l’actuel chemin de la Perrière. La Grande-Charrière, elle, tire aussi son appellation du franco-provençal, et désigne un grand chemin ou une grande rue – ce qu’était autrefois l’actuelle rue Jules-Ferry, qui partait du Bourg pour aller en direction de Corbas, et qui formait en 1831 un faubourg du chef-lieu de Vénissieux.

2000 ans d’âge

Détail du plan cadastral montrant le quartier du Bourg. Photo Archives du Rhône.

Quant à la Femme-Morte, son origine remonte à la nuit des temps. Désignant aujourd’hui le grand virage que fait le périphérique aux abords de Bron, ce sinistre toponyme était porté en 1831 par trois fermes qui se dressaient près de notre station de métro Parilly. L’endroit s’appelait déjà ainsi au… 15e siècle ! En effet, en 1479 un envoyé du roi Louis XI, Louis Tindo, alors qu’il fixait les limites entre Vénissieux et La Guillotière, apprit des habitants que le lieu se nommait « La Vieille Morte ». Intrigué, il en demanda l’origine. On lui répondit qu’il est « ainsi appellé parce que autreffois fut ilec [ici] trouvé une femme morte, qui fut enterrée soubz un monceau de petites pierres ». Autrement dit, existait à cet endroit ce que les archéologues appellent un tumulus, sous lequel avait été inhumée une défunte, voici plus de 2000 ans si ce n’est 4000 ou 5000 ans.

Reste un toponyme que vous connaissez tous, et que nous avons gardé pour la fin : Vénissieux. Ce nom a varié au cours du temps, s’écrivant Venissieu en 1831, Venessy en 1675, Venecies en 1604, et Viniciacum en 1501 et en 1458, dans sa version latine. Pour lui, pas de doute, il remonte à l’époque romaine et désigne, comme les Minguettes, un nom de domaine – « iacum », en latin. Viniciacum, c’est soit vini iacum, le domaine du vin, soit et plus vraisemblablement Vinicius iacum, le domaine de Vinicius, un riche gallo-romain. 2000 ans d’âge, pas mal, pour un nom de commune. Vénissieux n’a donc rien à envier à Lugdunum !

Sources : Archives municipales de Vénissieux, plan cadastral de 1831.

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