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Langues d’ici et d’ailleurs

Au centre social Eugénie-Cotton, parents et enseignants ont éhangé autour du plurilinguisme des jeunes Vénissians. Une richesse encore insuffisamment valorisée.

Certains parlent arabe, d’autres berbère, turc ou encore italien. À Vénissieux, les origines sont multiples, tout comme les langues parlées. Dès leur plus jeune âge, les enfants du territoire sont exposés à ces langues au sein du foyer, ce qui les rend rapidement bilingues. Pourtant, de nombreux parents et membres du corps éducatif constatent un malaise chez certains enfants. « C’est comme s’ils avaient honte, constate Marianne Koreta, principale du collège Paul-Éluard. On le remarque notamment avec la langue arabe. Nous avons face à nous des élèves bilingues, parfois trilingues, mais ils ne valorisent pas ces compétences, même pas dans leur CV. Certaines langues sont reconnues, d’autres non, alors qu’elles sont toutes d’une richesse incroyable. »

Pour inverser cette tendance, la Cité éducative de Vénissieux/Saint-Fons, le réseau Paul-Éluard, le centre social Eugénie-Cotton, en lien avec la compagnie de théâtre Les arTpenteurs, ont lancé un projet sur plusieurs mois. Sept mamans de Vénissieux ont participé à des ateliers sur les « Langues plurielles et transmission des langues ». Elles ont travaillé autour de trois grands axes : la transmission linguistique, la parentalité et la scolarité. « Les parents que nous avons rencontrés souhaitent que leur langue d’origine soit reconnue à l’école comme une compétence, et non comme un manquement au français, explique Patrice Vandamme de la compagnie Les arTpenteurs. Les études le montrent : parler plusieurs langues favorise le développement cognitif. Les parents sont motivés à prendre leur place et à faire reconnaître leur langue. »

« Il faut cultiver les langues étrangères »

Chacune des mamans a donc rédigé un témoignage, en français et dans sa langue maternelle, pour raconter son vécu. Ce travail a été présenté mardi 13 mai à une vingtaine d’enseignants et directeurs volontaires du réseau Paul-Éluard, ainsi qu’à Magali Allafort-Duverger, inspectrice de l’Éducation nationale. Ces mères de famille ont ensuite pu échanger à cœur ouvert avec les enseignants, ce qui a permis de clarifier de nombreuses situations.

« Il faut cultiver les langues étrangères, affirme une enseignante. Mais, dans une classe, si chaque élève parle dans sa langue, cela peut créer des divisions au sein des élèves. Notre objectif est de les rassembler. » Pour un directeur, la barrière linguistique est aussi un vrai défi : « Les enseignants aiment maîtriser les situations. Quand un enfant parle une langue qu’ils ne comprennent pas, cela peut les déstabiliser. » « On ne sait pas ce qui se dit : s’ils discutent tranquillement ou s’il y a des moqueries… C’est difficile à gérer », confie une autre professeure.

Tous les participants ont reconnu la richesse et l’importance du plurilinguisme, et se sont accordés sur la nécessité de mieux le valoriser. Avec la compagnie Les arTpenteurs, un projet autour des comptines du monde a été mené dans plusieurs écoles. Les langues ont été choisies par les enfants, les enseignants, et certains parents sont aussi venus interpréter des chansons. « Ces projets marquent autant les enseignants que les élèves, affirme un directeur. Ces dernières années, on observe un vrai changement. Les écoles s’ouvrent davantage aux cultures, et l’interculturalité devient un pilier des projets pédagogiques. »

Le corps enseignant a profité de ce moment pour encourager les parents ne maîtrisant pas bien le français à s’impliquer davantage dans la vie scolaire de leurs enfants. « Même si vous avez des difficultés en français, venez à l’école, aux réunions, à notre rencontre, insistent-ils. Vos enfants peuvent traduire, nous pouvons trouver des interprètes. Il y a toujours une solution. Si vos enfants voient que vous n’avez pas honte de parler une autre langue, c’est un message très fort que vous leur transmettez. »

 

Elal, pour comprendre les ressources et les difficultés des enfants

Elal (Évaluation langagière pour allophones et primo-arrivants) est le premier outil qui permet d’évaluer les compétences linguistiques des enfants qui parlent peu ou pas le français. Il aide à comprendre leur manière d’apprendre une langue en tenant compte de leur culture, de leur langue d’origine et de leur environnement.
Cet outil répond à un besoin croissant des professionnels du champ psycho-médico-éducatif. Grâce à Elal, ils peuvent déterminer si un enfant présente un trouble du langage ou s’il s’agit simplement d’un retard lié à l’apprentissage du français comme langue seconde. Ce dispositif évalue deux compétences principales : la capacité à raconter une histoire et la compréhension. Il s’appuie sur des notions communes à toutes les langues et permet de situer le niveau de l’enfant en français, en fonction de son âge. Il observe également certains aspects de l’expression orale, comme les pauses, les hésitations ou les difficultés d’articulation.
Actuellement, plusieurs professionnels (dont des enseignants) de la Cité éducative de Vénissieux/Saint-Fons sont formés à cet outil afin de pouvoir l’utiliser auprès des enfants qui en ont besoin.

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