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Les chats errants, un défi persistant pour la collectivité

Pour limiter la prolifération des chats, la Ville mène depuis 2014 des opérations d’identification et de stérilisation. Et poursuit un objectif : donner à cet animal sa place en ville, sans qu’il ne soit ni une menace ni menacé.

Photo Emmanuel FOUDROT

Peut-être les avez-vous déjà croisés dans les rues de Vénissieux : régulièrement, des hommes et des femmes — qui ne sont ni des agents de la Ville, ni des employés de la SPA, mais bien des bénévoles — arpentent nos rues, disposant d’une cage dite « de trappage » équipée d’un appât fait de morceaux de saumon, afin de capturer des chats errants. Non pas pour les emmener vers un funeste destin, mais pour les pucer et les stériliser.

Car si les chats sont incontestablement mignons et les moteurs d’Internet depuis les premières vidéos rigolotes les mettant en scène publiées sur la toile, ils n’en restent pas moins des prédateurs et donc une menace pour la biodiversité, lorsqu’ils sont considérés comme errants — c’est-à-dire, sans identification possible (via une puce ou un tatouage) et retrouvés sur la voie publique. Ainsi, selon les données de la Métropole de Lyon, près de 75 millions d’oiseaux et 50 millions de mammifères seraient tués chaque année par les chats errants, dont le nombre est estimé à 13 millions en France, dont 60 000 dans l’agglomération lyonnaise. Sans oublier, les souffrances et difficultés que peut engendrer (blessures, maladies, parasites…) la vie hors domestication dans un milieu urbain, au milieu des voitures, des chiens et de l’activité humaine.

« Nous réalisons ces opérations de stérilisation de chats errants, en règle générale, au moins une fois tous les deux mois, explique Hamid Ferkioui, cadre au sein du service communal d’hygiène et de santé (SCHS) de Vénissieux. Ces derniers temps, c’est même une fois par mois ! Nous les organisons en fonction des signalements des habitants, qui nous appellent pour nous indiquer la présence de chats errants. Cependant — et nous le rappelons régulièrement aux Vénissians qui nous contactent —, nous ne sommes pas là pour éradiquer les chats errants. Ceux qui sont « attrapés » sont ensuite relâchés sur leur lieu de vie. »

17 bénévoles à Vénissieux

Ces chats quittent alors le statut de chat « errant » : ils deviennent des chats « libres », appartenant… à la Ville ! « Depuis le début de ces opérations, 516 chats sont, littéralement, des chats de Vénissieux, pointe Hamid Ferkioui. Certes, avec le temps et les conditions inhérentes à la vie en liberté, certains sont morts, mais cela donne une idée de l’ampleur du travail effectué par les 17 bénévoles, la SPA de Brignais avec laquelle nous sommes partenaires, et les vétérinaires de Feyzin et Saint-Priest qui stérilisent les animaux. Car le statut de chat libre constitue aussi pour eux une protection : nous devons par exemple les soigner s’ils sont malades ou blessés, sans être condamnés. »

Et c’est notamment pour améliorer la gestion de l’errance que la Ville a lancé, début mars, une grande enquête sur la place de l’animal en ville. Celle-ci s’est terminée le 30 avril, et doit permettre « la construction d’un plan d’action et d’un guide visant à repenser nos manières de cohabiter avec d’autres animaux en ville ». Ses résultats seront communiqués dans quelques semaines, au cours d’un événement organisé en mairie. « Grâce à cette enquête, nous en saurons plus sur ce que représente la place des chats, chiens et des NAC (Nouveaux animaux de compagnie) à Vénissieux, souligne Hamid Ferkioui. Nous espérons également qu’elle nous permettra de trouver de nouveaux bénévoles pour les campagnes de stérilisation des chats. Toutes les volontés sont bonnes à prendre. »

Note : vous êtes intéressé et souhaitez participer aux campagnes de stérilisation des chats ? Contactez le SCHS au 04 72 21 44 10.


TROIS QUESTIONS À NATHALIE DEHAN, CONSEILLÈRE MUNICIPALE DÉLÉGUE À LA VIE ANIMALE EN VILLE

« La Ville est pionnière en matière de stérilisation de chats errants »

Cela fait désormais plus de dix ans que Vénissieux mène des campagnes de stérilisation des chats errants. Nathalie Dehan, conseillère municipale en charge du dossier, salue « le travail jamais fini des bénévoles ».

La Ville de Vénissieux mène depuis 2014, des campagnes de stérilisation des chats. Dans quel contexte sont-elles mises en place ?

– La question qui se pose, c’est de savoir ce que signifie la prise en compte de la question animale, en général, pour une collectivité. Vénissieux est pionnière en matière de campagne de stérilisation de chats errants, avec notre partenaire historique, la SPA de Lyon Sud-Est. Nous répondons ainsi à nos obligations légales — l’errance des animaux, qui nuit à ces derniers en premier, et à toute la collectivité.

Les campagnes de stérilisation de chats sont quadripartites. Elles impliquent la mairie, dont c’est la compétence, les vétérinaires qui font évidemment les gestes vétérinaires nécessaires, les grandes associations partenaires comme la SPA, et en dernier, et non la moindre, les petites associations et bénévoles du terrain. Ceux-ci font le travail de repérage, surveillance, nourrissage, trappage et il faut se munir de patience —, transport des animaux, retour, convalescence, remise en liberté. 

Ces campagnes de stérilisation n’ont pas pour but d’enlever définitivement, magiquement, les chats errants de l’endroit où ils sont habituellement, mais de maîtriser leur fertilité incontrôlée. Selon les données d’une association, en quatre ans, un mâle et une femelle peuvent avoir 20 000 descendants, s’ils survivent tous. On comprend donc très vite, et aisément, avec ce chiffre, à quel point c’est une nécessité de contrôler cette fertilité, pour leur propre bien également.

Pourquoi y a-t-il autant de chats errants ?

– En France, nous avons des chats dans les familles, identifiés, stérilisés, soignés et bien traités, dans l’idéal. Il y a aussi, hélas, des personnes qui maltraitent leur animal et/ou les laissent à l’abandon, et vadrouiller non stérilisés. Ce qui aboutit à des naissances incontrôlées à la rue, à des chatons qui sont sujets aux maladies, au froid, aux canicules, à la faim, à la soif, aux malveillances et qui meurent très vite.

Les bénévoles de terrain font un travail jamais fini à cause de ces abandons de chats non stérilisés. La Ville de Vénissieux doit constamment faire des campagnes de stérilisations à cause des 20% de personnes qui ne stérilisent pas leur animal et qui les laissent souvent se reproduire à la rue ou prendre une place dans une famille qui avait un projet d’adoption, alors même que les SPA et autres associations croulent sous les chats et n’ont pas assez de demandes d’adoption.

Est-ce à dire qu’il n’y a pas de solution à ce problème ?

– Je pense qu’il nous faudrait une loi obligeant les particuliers propriétaires de chats à faire stériliser leur animal de compagnie, au moins jusqu’à ce que les refuges animaliers soient vides. En attendant j’appelle à la responsabilité de chacun : s’il vous plaît, faites stériliser vos animaux de compagnie avant la première portée, dont un animal n’a nul besoin. Cette première portée qui serait bonne pour un animal, c’est une idée reçue qui nuit aux chats. Et en plus, j’appelle chacun, chacune, à contacter la ville pour devenir bénévole pour aider les chats. Nous offrons la formation de terrain qui conduira à une bonne action pour ces êtres sensibles confrontés au malheur.


Chat domestique, errant, libre… zoom sur les différents statuts du chat

Le chat est omniprésent dans nos foyers, nos rues, nos campagnes. Mais derrière son apparente liberté se cachent plusieurs statuts juridiques et sociaux, qui déterminent la manière dont il est protégé — ou non.

Photo Emmanuel FOUDROT

Le chat domestique : un membre à part entière de la famille

Le chat domestique est celui qui vit sous notre toit, identifié (par puce électronique ou tatouage) et officiellement rattaché à un détenteur. Il bénéficie d’une protection juridique claire : maltraiter ou abandonner un animal domestique est un délit. Vacciné, stérilisé, suivi par un vétérinaire, ce chat partage nos vies (et nos canapés). Il dépend entièrement de l’humain pour se nourrir et se soigner

Le chat errant : entre deux mondes

Le chat errant, quant à lui, a perdu le contact avec l’humain. Il n’a ni maître identifié, ni domicile fixe. On le trouve souvent en ville, vivant en périphérie des quartiers habités, nourri parfois par des habitants compatissants. La loi française le considère comme « sans propriétaire ». Si l’on souhaite le capturer, il doit être conduit en fourrière, puis identifié, stérilisé et relâché, ou confié à une association. Mais sans solution rapide, il risque l’euthanasie. Sa survie dépend donc de la vigilance des communes et des bénévoles.

Le chat libre : protégé et reconnu

Il est le cousin plus « chanceux » du chat errant. Un chat libre, c’est un chat sans propriétaire mais reconnu par une commune ou une association, qui se charge de sa capture et de sa stérilisation, avant le relâcher sur son territoire d’origine. Cette reconnaissance lui confère un statut particulier, et donc une certaine protection. Il vit dehors, mais n’est plus un anonyme comme peut l’être stricto senso le chat errant.

Et le chat sauvage ?

Attention à ne pas confondre les chats redevenus sauvages (c’est le cas des chats errants) avec le Felis silvestris silvestris, le véritable chat sauvage européen. Ce dernier n’est pas un chat domestique retourné à la vie libre, mais une espèce à part entière, rare et protégée. Il vit dans les forêts profondes, évite l’humain et joue un rôle essentiel dans l’écosystème. Le croisement entre chats domestiques et chats sauvages représente d’ailleurs une menace génétique pour l’espèce.


Insolite : un chat… devenu la mascotte du commissariat

Le 24 juin 2023, lors d’une intervention, les policiers de Vénissieux ne s’attendaient sans doute pas à cette rencontre. Parmi les détritus et l’humidité, un petit chat roux dénutri, atteint de la teigne, ni identifié ni réclamé par la suite, se tenait recroquevillé.

Pris en charge par les policiers eux-mêmes, le chaton a été conduit chez un vétérinaire pour recevoir des soins. Il est ensuite resté quelques semaines dans une famille d’accueil, le temps de se remettre. À son retour, les agents lui ont trouvé un nom : Vénix, contraction de « Vénissieux » et « phénix », clin d’œil à sa résurrection après un début de vie pour le moins chaotique.

Depuis, Vénix fait partie du paysage du commissariat, et est devenu une présence familière et apaisante dans un environnement parfois sous tension. Entre deux réunions ou dossiers, il s’invite sur les claviers, grimpe sur les étagères, s’installe dans les cartons.

La complicité avec les agents est telle qu’un compte Instagram a été créé pour partager ses aventures (@venix_cops), suivi par plus de 2 000 abonnés. Et les habitants, eux aussi, s’attachent à ce chat : certains viennent même au commissariat avec une attention pour lui.

Ce n’est pas une première dans la région. À Vaulx-en-Velin, une autre chatte, baptisée TN360, tient un rôle similaire depuis plusieurs années. Mais à Vénissieux, c’est bien Vénix qui règne désormais sur les lieux. Même s’il n’est pas inscrit à la hiérarchie… pour l’instant !

La popularité de Vénix auprès des agents de police et des usagers du commissariat ne doit rien au hasard : la présence d’un chat est reconnue pour ses vertus apaisantes. Des études américaines ont en effet démontré que caresser un chat augmente la production d’hormones du bonheur tout en réduisant celle des hormones du stress. Le ronronnement, notamment, agit comme un anti-stress naturel, en favorisant la détente et en abaissant la pression artérielle.

Des études ont même montré que les personnes vivant avec un chat avaient 30 % de risques en moins de faire une crise cardiaque. Chez les enfants, grandir auprès d’un chat réduirait aussi le risque de développer certaines allergies, à condition qu’il n’y ait pas de prédisposition familiale. Enfin, la fréquence du ronronnement, autour de 25 Hertz, aurait un effet curatif sur les os, en accélérant leur guérison.]

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