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« L’État doit faire un bilan des crises qui se succèdent »

Michèle Picard fait le point sur les nuits de violences urbaines. Pour elle, l’État « n’est pas à la hauteur des besoins des populations ».

– Quel est le bilan matériel de ces nuits de violences urbaines à Vénissieux ?

Il doit être affiné, mais on peut d’ores et déjà signaler des voitures et des poubelles brûlées, deux rames de tramway et une station de tram très endommagées, une voiture de police municipale et quatre caméras de vidéo-surveillance dégradées, du mobilier urbain à remplacer… Sans compter tout le génie civil — les rues par exemple — qu’il faudra reprendre en raison des dégâts liés aux feux.

Je tiens néanmoins à signaler la réactivité des polices de la ville, la municipale comme la nationale, et les efforts déployés pour éviter de trop grandes dégradations qui auraient eu encore plus d’impact sur le quotidien des habitants. Dans d’autres villes, des équipements publics, comme des mairies ou des bibliothèques, ont été brûlés. Cela n’a pas été le cas à Vénissieux.

– Mardi 4 juillet, vous avez été reçue par Emmanuel Macron avec plus de 200 autres maires de communes touchées par les violences urbaines. Que retenez-vous de cette rencontre ?

Je ne me faisais pas beaucoup d’illusions, mais c’est tout de même la déception qui domine. Nous étions très nombreux, beaucoup de maires, de villes très différentes d’ailleurs : grandes, petites, villes-centres, banlieues, rurales… Peut-être aurions-nous pu être reçus par groupes plus petits, pour favoriser les échanges.

Certes, un certain nombre de maires ont pu exprimer leurs difficultés du quotidien, rappeler au président de la République que l’on nous demande constamment de faire plus avec moins de moyens et que nous sommes constamment en première ligne face aux crises. Mais j’attendais de cette rencontre du concret, pour reconstruire, réparer et répondre aux besoins des habitants. Il n’y a rien eu de tout cela.

– Quelles solutions préconisez-vous ?

Depuis quelques années, les crises s’additionnent, leurs effets s’ajoutent les uns aux autres. Prenez la crise sanitaire : aucun bilan sérieux n’a été fait. On a constaté que de nombreux jeunes avaient été déscolarisés. Où sont-ils aujourd’hui ? Combien n’ont toujours ni formation, ni emploi ? On a vu que certains jeunes étaient en grandes difficultés psychologiques, que des repères ont été perdus avec les confinements et les restrictions : qu’a-t-on fait pour y remédier ? Je pense que l’on ne tire pas assez les conclusions de ces périodes difficiles, on ne met pas les moyens dans la santé, l’insertion, l’école, le social et la formation, alors que les besoins en la matière sont énormes. Un bilan précis des crises, dans la dentelle, doit être réalisé par l’État.

– En termes de politique de la ville dans les quartiers populaires, il faudrait tout reprendre à zéro ?

Je n’ai pas dit ça. D’abord, même si par rapport aux émeutes de 2005 un cap a été passé — il n’y avait pas les réseaux sociaux, pas d’armes qui circulent dans des quartiers organisés autour du trafic de stupéfiants… —, il ne faut pas résumer la jeunesse des quartiers populaires à ces violences urbaines. Ne mettons pas tout le monde dans le même sac. C’est d’autant plus vrai que ces nuits difficiles ne se sont pas limitées aux quartiers : on en a connu aussi dans les centres-villes, voire dans des petites villes !

Ensuite, concernant la politique de la ville, certaines choses fonctionnent, elles sont à conserver. Mais il faut lui donner plus de moyens… sans oublier de renforcer, en parallèle, l’accès aux droits communs, comme la santé ou l’éducation. Sur ces enjeux, nous ne sommes pas à la hauteur des besoins des habitants. C’est la clé pour se reconnecter, dans la durée, à cette jeunesse.

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