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Précarité et mauvaise santé, la double peine

La précarité nuit gravement à la santé. On s’en doutait, mais à Vénissieux, le diagnostic fait mal. Les “Ateliers Santé Ville” municipaux et le réseau “Interpro Santé Vénissieux” des libéraux tentent d’y remédier. Chiffres, analyses et témoignages, notre dossier.

“Mieux vaut être riche et bien portant que pauvre et malade” disait Francis Blanche dans un aphorisme célèbre. De fait, la précarité nuit gravement à la santé. Pas vraiment une surprise, mais le diagnostic à Vénissieux est inquiétant.

Le 18 septembre dernier, estimant que « notre système de santé a des forces, mais qu’il s’est considérablement fragilisé ces dernières décennies », Emmanuel Macron a annoncé un Plan santé destiné à « développer la prévention et la qualité des soins ». De fait, ces trente dernières années, si l’état de santé général de la population française s’est globalement amélioré, c’est l’inverse qui s’est passé pour les personnes précaires. Dont le nombre augmente…

Le chômage tue plus que la route !

Jeunes ou retraités, salariés ou chômeurs, hommes ou femmes, ils prennent double peine : les plus pauvres sont aussi les plus vulnérables aux maladies. Une étude de l’Inserm publiée en 2015 évaluait même « entre 10 000 et 14 000 par an » les décès imputables au chômage. Plus que la mortalité routière ! Oui, la précarité nuit gravement à la santé.

La ville de Vénissieux, où les classes populaires trouvent encore à se loger, compte de nombreuses personnes vivant dans la précarité. Une ville où 46,2 % des plus de 15 ans non scolarisés n’ont aucun diplôme. Où le taux de chômage est de 24,2 % contre 11,9 % au niveau régional. Où les bénéficiaires de la CMU représentent 22 % des assurés sociaux, contre 7,4 % en Auvergne Rhône-Alpes (AuRA). Où 21 563 personnes vivent dans un foyer qui gagne moins de 1 043 euros par mois. Quelle situation sanitaire découle de ce constat social ?

Diagnostic du territoire

Pour le savoir, l’Observatoire régional de la santé (ORS) établit une sorte d’état des lieux d’un territoire donné, appelé « Diagnostic local de santé ». Le dernier publié sur Vénissieux date de 2008 et montrait une situation dégradée de la santé des habitants. Le prochain est en cours de réalisation et devrait être rendu public dans les prochains mois. Mais certaines données collectées par l’ORS (auprès de l’Insee ou de l’Assurance maladie, notamment) sont en déjà ligne sur le site http://www.balises-auvergne-rhone-alpes.org.

Le résultat n’est pas bon, même s’il est comparable à la situation d’autres villes comprenant des « quartiers Politique de la Ville ».

Diabète, asthmes, infarctus…

Globalement, la population vénissiane présente davantage d’affections graves chroniques que la moyenne régionale : on y relève 19,1 % de prise en charge au titre d’une affection de longue durée contre 16,9 % en AuRA. Le diabète continue à progresser. Son taux est de 7,2 % (contre 4,1 %), avec un taux de patients sous insuline presque deux fois supérieur à la moyenne régionale. Les Vénissians sont un peu plus en arrêt de travail que la moyenne (16,7 % contre 14,2 %), mais bien plus victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles : 4,6 % contre 2,7 %. Autre constat, ils sont plus souvent hospitalisés que la moyenne des Rhônalpins, avec notamment une fréquence plus grande des infarctus du myocarde.

Au-delà des chiffres bruts, c’est leur évolution qui inquiète. Ainsi, la fréquence de l’asthme et des broncho-pneumopathies chronique obstructives a augmenté de plus de 60 %, celle des troubles psychiques chroniques de 20 %.

Aux grands maux, quels grands remèdes ?

Comment y faire face ? Localement, une commune a peu de leviers et de moyens pour lutter contre la précarité de ses habitants. Pour certains politiques, la solution est toute trouvée : il suffit de changer la population ! S’opposer à la construction de logements sociaux et faire partir les petits revenus, certaines communes le font déjà mais ce n’est pas l’option choisie à Vénissieux. Les nombreuses initiatives mises en place par l’Atelier santé ville (ASV) municipal font mieux que limiter la casse, surtout axées sur la prévention de l’obésité chez les enfants.

Lire Les “Ateliers Santé Ville”, une réponse municipale au diagnostic local de santé

De leur côté  tandis que les professionnels de santé libéraux (médecins, pharmaciens, kinés, infirmiers…) s’organisent pour une meilleure prise en charge de patients souvent perdus dans le système de soins.

Lire L’interpro Santé Vénissieux, le réseau des libéraux

Encore faudrait-il enrayer la crise de la démographie médicale. À Vénissieux, on manque de kinés, d’orthophonistes, de dentistes, d’ophtalmos, de psychiatres, de dermatos, de cardiologues et de médecins généralistes dans certains quartiers.

Un Plan santé sous-dimensionné

Mettre fin aux inégalités de santé exige un engagement à un tout autre niveau que celui de la commune. Les mesures du Plan santé présidentiel sont-elles à la hauteur du défi ? Ainsi, l’État souhaite financer 400 postes de médecins salariés pour les territoires les plus menacés de désertification médicale mais c’est 8 % de la population qui vit en zone « sous-dense ». Et que pèsent les 400 millions d’euros supplémentaires annoncés pour ce plan, face aux 2 milliards d’économies prévus dans le prochain budget de la Sécurité sociale ?

Sarah (37 ans), mère célibataire, Moulin à Vent
« Ma priorité ce sont mes enfants. Avec la CMU, nous sommes couverts, mais il m’est arrivé d’aller aux urgences des Portes du Sud pour une simple angine parce que je savais que je n’aurai pas à faire l’avance de frais. Mes enfants consultent une fois par an le dentiste, mais moi ça fait des années que je n’ai pas été soignée correctement. Pareil pour tout ce qui est gynéco et ophtalmo. Quand on doit tout compter au centime près, on ne fait plus attention à soi. À Vénissieux, si on a besoin d’aide, on peut trouver des solutions, que ce soit dans les centres sociaux, les maisons de la Métropole, le centre communal d’action sociale… »
Adrien (38 ans), chômeur, Parilly
« Ma femme ne travaille pas, et moi j’arrive en fin de droits. Pris dans nos galères, on déprime car on se demande si un jour on s’en sortira. Notre fils aîné était en surpoids. On voyait bien qu’il était enrobé mais on ne s’inquiétait pas spécialement. Le médecin scolaire nous a alertés. On a été aidés, on s’est rendu compte que c’était moins cher d’acheter des fruits et légumes au marché plutôt que des surgelés ou des conserves. On a arrêté les sucreries, le soda à table. C’est difficile car c’étaient des petits plaisirs. Parfois, nous sommes vraiment débordés par les difficultés, alors notre santé passe en dernier. »
Anouk (71 ans), retraitée, Les Minguettes.
« En dix ans, je n’ai jamais pu aller chez le dentiste. Mes dents sont totalement abîmées. Les prothèses sont beaucoup trop chères. Tout comme les lunettes : moi qui aime lire, je suis obligée d’acheter des loupes qui ne sont pas adaptées à mes yeux. Je m’inquiète : si j’avais la cataracte, le délai d’attente pour les hôpitaux est long et je n’ai pas les moyens d’aller dans le privé. À la pharmacie, il m’est arrivé de devoir laisser des médicaments prescrits mais pas remboursés par la Sécu. Je ne pouvais pas les acheter. C’est une situation terriblement humiliante. Quand ça ne va pas, on attend et on se dit que ça va passer ».
Gilles de Labarre, président de l’association Solidarités Nouvelles face au Chômage
« En France, la santé des chercheurs d’emploi est peu étudiée et insuffisamment prise en compte. Pourtant, les personnes au chômage se ressentent en plus mauvaise santé que les personnes en emploi. Derrière cette souffrance à bas bruit, il y a une réalité épidémiologique : le chômage fragilise les individus. Or, la récurrence de l’alternance entre CDD de plus en plus courts et périodes de chômage enferme une proportion toujours plus importante d’actifs dans une situation de grande précarité, avec de lourdes conséquences sur tous les aspects de la vie et notamment sur la santé ».

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